On aurait pu s’attendre à ce qu’il ressente de la compassion face à ce regard si doux et naïf, mais ce ne fut pas le cas. Yûto ne réussit qu’à se mettre plus en colère et en voulu à Ren d’avoir fait une chose aussi stupide…ne réfléchissait-il donc pas aux conséquences de ses actes ? Le montrer à sa fille comme ça, alors qu’il ne ressemblait proprement à rien…Quand il se réfugia dans la salle de bain il pu constater à quel point il avait raison et même se passer de l’eau sur le visage n’arrangea pas vraiment son teint légèrement cireux et ses joues toujours creuses. Il alla même jusqu’à se brosser les cheveux mais en vain : il faisait toujours aussi peur et il était hors de question qu’il se montre ainsi face à une petite fille qu’autrefois il était fier d’avoir pour fille. Maintenant…il savait qu’il ne la méritait pas, qu’il ne méritait rien de tout ça. Peut-être aurait-il dû mourir le jour où il s’est fait bannir du Paradis ! Ça aurait été plus simple pour tout le monde…et voilà qu’il était à nouveau en train de penser à la mort ! L’ange déchu soupira et finalement ressortit de la salle de bain, allant retrouver le magicien dans le salon qui en finissait avec sa fille et la vieille dame qui les aidait toujours.

- Je veux bien etre patient pour tout, mais tu n'as pas le droit de faire pleurer ta fille, alors qu'elle était aussi heureuse de te voir.
- Oh arrête Ren, elle n’a que quelques mois ! Elle ne perçoit pas encore clairement tout ça. Pas la peine de t’en faire. Si on s’y prend maintenant, je suis même sûr qu’elle n’aura plus aucun souvenir de moi !

Il savait que ce qu’il venait de dire était dur mais sur le coup, c’était bien ce qu’il pensait ! Le jeune homme se mordit la lèvre alors que le médium s’approchait de lui trop dangereusement à son goût.

- Regarde moi.

Mais il continuait de détourner les yeux le plus possible, jusqu’à ce qu’il se fasse prendre au piège et qu’il ne puisse plus éviter son regard désapprobateur et plein de reproches. C’était reparti pour un tour…

- Bon sang. Est ce que tu nous aime encore, au moins ? Est ce que tu nous aimes encore assez pour te battre ?
- Tu as peut-être besoin de moi toi, mais pas elle. Autant l’épargner tant qu’il en est encore temps. Je ne veux pas qu’elle se retrouve confrontée à des êtres dans mon genre, si vils et égocentriques.

Il avait l’impression de se décrire à cet instant-même, c’était presque flippant ! Puis soudainement Ren se mit à genou devant lui, enlevant toute parole de sa bouche. Eh ? Il faisait quoi là ? Il le suppliait ou quoi ? Ce genre de chose ne lui ressemblait tellement pas…

- Je ne sais pas comment c'est chez les anges, mais le pardon existe ici bas. Si tu voulais obtenir le mien, ce n'est pas en refusant tout ce que j'essaie de te faire comprendre que tu l'obtiendras.

Yûto soupira, parce qu’il ne s’agissait bien sûr pas que de ça ! N’avait-il toujours pas compris ce qu’il faisait en s’écartant de la mémoire de la fillette ? Il ne pouvait pas le faire avec le magicien, mais avec le bébé ce serait plus facile…Et puis souhaitait-il vraiment son pardon, au fond ? Il n’en était plus sûr.

- Tu n'as donc pas vu le sourire de ta fille ? Ca ne te donne vraiment pas envie de vivre ?
- Quand je vois ce sourire Ren, j’ai surtout envie qu’elle, elle vive. Mais pas avec moi à ses côtés. Mais bon dieu regarde la vérité en face ! Nous ne sommes que depuis quelques mois ensemble et regarde tout ce que tu as dû endurer ! Elle, elle va vivre peut-être 8o ans et pendant 80 ans elle va devoir supporter ce que toi tu as du mal à surmonter depuis quelques mois ! Tu trouves ça juste ? Est-ce qu’un sourire peut changer tout ça ?

Il le força à le lâcher et soupira en allant se rasseoir dans le canapé, déjà exténué alors qu’il n’avait presque rien fait ! La tête penchée en arrière sur le dossier, il se mit à réfléchir. Il n’avait pas envie de regretter d’avoir adoptée la petite fille, dans sa condition c’était le meilleur moyen pour qu’elle ait une bonne santé et une bonne éducation. Mais voyez le résultat ? Elle était maintenant peut-être plus en danger qu’avant…Pourquoi avait-il fallu qu’elle tombe sur une personne aussi faible que lui ?

L’ange déchu se roula en boule sur le canapé et se ferma à toute présence extérieure pendant un petit moment, la tête remplie de pensées diverses et toutes contradictoires les unes avec les autres. Il avait l’impression que son cerveau était un immense labyrinthe dont il n’arrivait pas à trouver la sortie ! C’était affreux…
Mais ce qui était sûr c’était qu’il venait à nouveau de fâcher Ren et au fond, il avait un peu l’impression de revenir au tout début, quand ils s’étaient « rencontrés » la première fois et que le magicien était si offensif et en même temps sur la défensive. Il était redevenu de mauvaise humeur et il se demanda comment il avait bien pu faire pour le faire redevenir aussi…amer. Est-ce qu’en plus d’être un mauvais père qui abandonne ses enfants il était un mauvais petit-ami et futur fiancé ?

D’ailleurs, et ce mariage ?

Soupirant, Yûto finit par se lever et, trainant des pieds, alla rejoindre le jeune homme.

- Si tu ne pouvais me demander qu’une seule chose en preuve de mon pardon, qu’est-ce que ce serait ?