L’ange passa la porte de l’appartement, déjà fatigué. Après s’être levé une fois à 3h, puis à 6h et enfin à 7h pour aller travailler, il avait ensuite assuré ses cours de 8h à 12h, puis de 14h à 16h. Puis il était passé au supermarché acheter le nécessaire à bébé : biberons stérilisés, couches par centaines, bavoirs, tétines, gobelets…et tout ce qui s’ensuit. Les bras chargés, il entra avec l’impression qu’il était debout depuis 24 heures ! Mais à l’horloge s’affichait seulement 18h30…Ah quand même…il avait presque deux heures dans ce magasin à se demander ce qui serait mieux pour le bébé. Il posa tout ça par terre à même l’entrée, se disant qu’il rangerait plus tard et s’approcha de son petit-ami dans le salon pour l’enserrer dans ses bras et se détendre un peu.

- Tadaima…C’était comment à l’hôpital ?

Yûto s’en voulait de ne pas l’avoir accompagné. Le jeune homme devait passer des radios supplémentaires, prendre un traitement et sûrement revenir pour certains de ses os encore en mauvais état. Et puis en même temps il devait faire enregistrer Maki à l’hôpital et lui faire les examens nécessaires, une sorte de visite médicale pour bébé dont il n’avait jamais eu connaissance. Enfin bref, il espérait juste que tout ce soit bien passé et vu qu’ils étaient tous les deux en un seul morceau, il se dit que ça s’était bien passé.

Déposant un baiser sur son front, il alla rechercher les sacs pour les vider sur la petite table de la cuisine alors que le plus jeune venait l’aider. Le professeur n’aimait pas vraiment qu’il fasse autant d’efforts, la visite à l’hôpital avait dû l’affaiblir mais pourtant il continuait d’être enthousiaste et de bouger comme s’il n’avait rien subi de tout ça. C’était admirable et dangereux à la fois. Mais il ne laissa rien paraitre de son inquiétude pour cette fois et le regarda énumérer tout ce qu’il avait acheté.

- Je finis plus tôt demain, on ira lui acheter des vêtements si tu veux. Je devrais recevoir ma paye à la fin de la semaine, ça devrait le faire si on fait attention.

C’était sa plus grande crainte : qu’il n’ait pas assez d’argent pour subvenir à leurs besoins. Les rentrées de Ren était lus qu’irrégulières en tant que magicien et on pouvait dire que pour l’instant, ils vivaient à 3 sur le maigre salaire du professeur de théâtre. Heureusement ils avaient tous les deux un peu économisés et la petite fête foraine du lycée 1 mois plus tôt avait rapporté un peu d’argent, qui venait de servir à acheter des couches. Mais Yûto se dit que pour la plupart des gens ça se passait comme ça alors il était content de faire partie des « gens normaux » qui venaient d’avoir un enfant.

Après avoir tout rangé et changé le bébé qui venait évidemment de se salir au moment-même où ils fermaient le dernier placard bourré de couches, le jeune homme alla s’affaler sur le canapé et attrapa son sac pour en sortir les copies qu’il devait corriger avant la fin de la semaine. C’était ça de prendre un congé, on se retrouvait avec plein de choses à faire en très peu de temps. L’ange soupira et se mit en tailleur, essayant de bien placer son dos contre le dossier du canapé en cuir. Il secoua la tête de gauche à droite et vice-versa, ça le tirait encore dans la nuque et le dos, si bien qu’il n’arrivait pas à s’appuyer sur ses omoplates.
C’est alors qu’il se plongeait sur une copie qu’il remarqua le regard insistant de Maki à côté de lui, couchée dans son cosy et qui le fixait comme si elle avait quelque chose d’important à lui dire…même si ça ne pouvait pas être possible. Ses grands yeux marron ne le quittaient pas d’un pouce et au bout de quelques minutes à essayer de se concentrer, il abandonna pour la prendre dans ses bras et la regarder à son tour, une vraie bataille. Soit elle ne le faisait vraiment pas exprès, soit elle serait très têtue plus tard. Ça se trouve, il devait se préparer à avoir de grands différents avec elle !

Enfin bref, il écouta leurs respirations et faillit s’endormir, mais au même moment on lui retira la petite fille des bras, ce qui le réveilla en sursaut…et son ventre grogna.

-Okaeri...Tout s'est bien passé...Tu sais quoi ? Je pourrais reprendre la magie dans un petit mois ? Je suis vraiment heureux !
- Ah c’est génial ! Mais fais bien attention quand même…

Ren était du genre à se précipiter la tête la première dans le gueule du loup, ce qui s’était passé en Afrique le prouvait et il ne voulait pas qu’un autre malheur arrive aussi rapidement seulement parce qu’ils n’avaient pas fait attention. Ils allèrent déballer les courses et Yûto grimaça encore en voyant l’énergie inquiétante dont il faisait preuve, sans s’en rendre compte peut-être.

-Tu as tout bien choisi ! Si elle manque encore de quelque chose, je ne sais pas du tout de quoi !
Il rigola, de vêtements peut-être ? D’ailleurs il lui proposa de sortir le lendemain afin de compléter les affaires du bébé. Il manquait un lit pour quand elle serait un peu plus âgée, de quoi décorer et des jouets, puisque le médium y tenait tant ! L’argent l’inquiétait aussi et il ressentit un peu de soulagement en entendant qu’ils avaient eu une petite aide financière de la part des sponsors. Ils finirent de ranger et l’ange accueillit son petit-ami dans ses bras avec un petit sourire fatigué.

-J'ai préparé un délicieux dîner rien que pour toi...Ce sera près dans quelques minutes.
- J’ai hâte et je suis sûr que ce sera bon.

Ça l’était à chaque fois alors il ne s’inquiétait pas pour ça. Déjà ça sentait bon dans l’appartement quand le professeur alla s’assoir sur le canapé, avec l’intention de corriger ses copies en retard. Mais c’était sans compter Maki qui le persuada on ne sait comment à la prendre dans ses bras. Ahlàlà, il fallait vraiment que ça ne devienne pas une habitude ! Vraiment épuisé, il ne sentit pas ses paupières se fermer et sursauta brusquement en sentant qu’on lui enlevait l’enfant des bras. Le professeur frotta ses yeux et regarda le magicien.

-Désolé mon ange.
- Non ce n’est rien, j’étais réveillé. Je…réfléchissais.

Hors de question de dire qu’il avait commencé à dormir alors qu’il lui faisait à manger ! D’ailleurs son ventre le rappela à l’ordre et il alla s’installer à table avec le jeune homme, réellement affamé à présent. Ce qu’il y vit lui donna encore plus faim, si c’était possible. Et le plat n’était pas sans rappeler leur petite escapade en contrée africaine, ce qui le fit doucement sourire.

-Je suis inquiet tu sais ?
- Inquiet ? fit-il en fronçant les sourcils. Pourquoi donc ?
-Tu travailles trop et tu es épuisé, ca se voit...

Yûto arrêta quelques minutes de mâcher puis recommença avant d’avaler et de faire un sourire rassurant à son petit-ami.

- Tu t’inquiètes pour rien. Je ne travaille pas trop, je travaille le temps qu’il faut. Et au bout de quelques jours je me serai habitué à ce rythme, tu verras. Et puis je ne suis pas si fatigué tu sais…

Gros mensonge, ou petite vérité ? Il ne saurait le dire. Il avait un peu plus de punch que dans la journée mais ne se verrait pas sortir pour aller faire des courses, ou juste sortir pour aller dire bonsoir à la voisine. Son dos lui faisait mal, ses cervicales aussi, il avait une sourde douleur dans la tête et ses yeux insistaient pour se fermer. Pourtant il plaisanta et rigola aux blagues de Ren avec toujours autant d’énergie et de bienveillance. Il fit même la vaisselle avec lui et partagea un long câlin avant d’aller se changer et de se mettre au lit.

Là, comme si on lui avait tapé dessus avec un marteau un nombre incalculable de fois, il laissa tomber sa tête sur l’oreiller, ne prenant même pas le temps de refermer les couvertures sur lui. En fait il ne dormait pas vraiment mais n’était pas éveillé non plus. Il grogna et gémit en sentant le lit bouger quand le médium monta dessus à son tour, après avoir couché la petite. Pendant un bref instant de pensée claire le plus vieux s’en voulu de l’avoir laissé s’en occuper alors qu’il n’avait qu’un bras de valide. Il se promit que le lendemain il se rattraperait. Heureusement il ne commençait qu’à 9h cette-fois et finissait à 15h, donc il pourrait dormir un peu plus longtemps le matin. Même s’il était à parier qu’avec les pleurs du bébé ce serait un pur échec.

- Mmmhhh…tu t’en occupes cette…nuit ?

Il avait presque du mal à parler, sa bouche était pâteuse et il soupira, rassuré du fait que même s’il serait réveillé pendant la nuit, au moins ce ne serait pas à lui de se lever.

...

Et effectivement dans la nuit, il était minuit ou 3h, il n’arrivait pas à lire le réveil, des pleurs de bébé déchirèrent le paisible silence de la chambre et l’ange attrapa son oreiller pour se le mettre sur la tête et les oreilles tout en gémissant. Il allait dire « fais-la taire » au magicien mais se rattrapa de justesse, conscient que ce serait des paroles déplacées et non bienvenues. Après tout il savait que ça arriverait ! C’était juste plus dur à supporter en vrai qu’en imaginaire…
Quelques minutes plus tard, les pleurs disparaissaient et il se rendormit.

-Je m'inquiètes toujours pour toi, mon ange. Fais attention, c'est tout.

C’était bizarre d’entendre le genre de paroles qu’il disait au médium dans la bouche de ce dernier. Comme si leurs places s’étaient échangées. Et pourtant il était sûr que d’eux deux, c’était lui qui s’inquiétait le plus. Toujours. Il n’avait pas l’impression qu’il y avait de quoi s’inquiéter sérieusement le concernant, ce n’étaient pas des nuits courtes ou presque inexistantes qui allaient l’abattre quand même !

Manger le revigora un peu mais pas assez puisqu’à peine dans le lit, il s’endormit presque tout de suite. Il n’eut même pas la force de prendre Ren dans ses bras quand il se coucha à son tour. Tout ce à quoi il pensait c’était : dormir. Et une fois assuré que ce ne serait pas à son tour de se lever, il ferma les yeux et s’endormit immédiatement.

La nuit fut agitée mais en se levant le lendemain pour aller travailler il était un peu plus en forme. Juste un peu plus, pas assez à son goût. Pourtant il ne se plaint pas et assura ses cours de la matinée, alla manger à la cafétéria avec des collègues le midi et refit cours jusqu’à 15h. Enfin il pu sortir et prit la voiture pour aller au centre commercial. Le bâtiment était immense, avec des boutiques partout et à chaque étage. Yûto n’avait jamais eu l’occasion de faire tout le tour et se demandait où pouvaient se trouver les magasins pour bébés quand il sentit la présence du médium non loin de lui. Il se retourna pour l’accueillir et déposa un léger baiser sur ses lèvres. L’ange remarqua tout de suite son visage inquiet et cette anxiété en lui.

-Ca va ? Ta matinée s'est bien passée ?
- Plutôt bien, mais tu as l’air mal, quelque chose s’est passé ?
-J'ai eu du mal à la laisser la bas...

Le professeur sourit à son tour et lui fit un bref câlin avant de le rassurer.

- Ne t’inquiètes pas, elle est entre de bonnes mains. Et les démons veillent toujours.

Première fois qu’il admettait haut et fort qu’ils étaient d’une quelconque utilité pour eux. Ça avait mis du temps, mais ce qui s’était passé en Afrique les avait fait se rapprocher un tout petit peu. Même si Yûto ne les aimait pas vraiment plus qu’avant, au moins il leur faisait un peu plus confiance quand à leur sécurité. Le jeune homme prit la main de son petit-ami, entrelaça ses doigts aux siens et lui fit un sourire avant de commencer à avancer dans l’immense centre commercial.

C’était un vrai labyrinthe et l’ange voyait plus ça comme un parcours du combattant plutôt que comme une promenade de santé. Pourtant l’air joyeux et éblouissant du magicien à côté de lui rendait la chose moins horrible et pénible donc il fit un effort à son tour et essaya d’apprécier cette tâche de parents qu’il leur avait été confié. Ils entrèrent dans le premier magasin à l’enseigne de bébé qu’ils trouvèrent et heureusement, il s’agissait d’un magasin de vêtements. Et peu importe qu’il essaye d’être sérieux ou quoi, en voyant les adorables petites robes bloches en dentelle que Ren s’empressa de lui montrer en le tirant par la veste, il eut un sourire énorme sur le visage.

- C’est vraiment mignon ! Il y a tellement de jolies choses…

Et c’était peu de le dire. Il y avait des tonnes de rayons avec des tas et des tas de survêtements, de bonnets, de chaussettes, de chaussures minuscules, de pantalon, de robes, de tuniques, de collants…C’était comme une autre dimension, un autre monde qui venait de s’ouvrir à eux et qu’ils n’avaient pas vu avant. Comme le magicien sautillait partout et passait de rayon en rayon beaucoup trop vite pour lire, il décida d’aller à son rythme tout en le surveillant du coin de l’œil. L’ange s’émerveilla silencieusement sur tous les petits habits et sourit en prenant un petit body saumon couleur pastel, qui s’accorderait très bien avec la peau de Maki. Il chercha la bonne taille et regarda autour de lui après le médium. Comme celui-ci était occupé il continua ses fouilles et s’attarda cette fois sur les quelques peluches, de plusieurs tailles et plusieurs couleurs. Il tenait un éléphant à rayures multicolores quand la tornade Ren s’abattit sur lui, composée d’un sourire radieux, de yeux pétillants et de gestes désordonnés.

Il mit du temps à le calmer mais réussit enfin et montra sa trouvaille au plus jeune.

- Regarde ! ça lui irait bien tu ne crois pas ?

- Oh Yuto, regarde celles ci !

Ça ne faisait qu’à peine quelques secondes qu’ils étaient entrés et déjà Ren s’était transformé…ou pas. Yûto sourit en voyant que chaque jour ou presque il découvrait de nouvelles choses sur le médium. Il le regarda un petit moment naviguer entre les rayons et, épuisé par autant d’énergie (à croire qu’il avait aspiré la sienne au passage), fit le tour à sa vitesse à lui. Il prit bien le temps de tout regarder un à un tout ce qui l’intéressait, privilégiant les petits prix tout de même. Il trouva un joli petit body qui lui tapa tout de suite dans l’œil et comme le prix n’était pas exubérant, il décida de le proposer au magicien. Le jeune homme eut le temps de refaire un petit tour avant de s’arrêter devant un petit bac à peluche qu’il farfouilla silencieusement jusqu’à ce qu’il se fasse harponner par son petit-ami. Et sans mentir ni exagérer, il lui fallu bien minimum 5 minutes pour le faire s’arrêter de parler. Puis, quand il eut enfin son attention et surtout du silence, il lui montra ce qu’il avait trouvé.

- Elle sera TROP mignonne la dedans !! Et regarde ce que j'ai trouvé !

L’ange prit dans ses mains les trouvailles du plus jeune et les inspecta consciencieusement pendant quelques secondes. Ren avait eu l’œil. Tout comme son body, ces vêtements étaient de bonne qualité et pas très chers.

- C’est parfait. On va déjà prendre ça.

Il mit les vêtements dans le petit panier qu’ils avaient pris à l’entrée et le professeur lui prit la main pour le garder près de lui pour la suite et le calmer aussi. Au final ils sortirent avec 2 body, quelques vêtements pour plus tard, des chaussons, chaussettes et des sortes de petits bavoirs. Ils se dirigèrent ensuite dans un magasin de décoration bien rempli et Yûto éclata de rire en voyant sa fascination pour un siège en lego, vraiment pas terrible selon lui. Il réussit à l’en écarter et ils regardèrent les stickers et peintures possibles. Il y avait un choix monstre, si bien que l’ange avait la tête qui lui tournait.

- Je suis sur qu'elle adorerait les princesses Disney !
- En même temps c’est une fille ! Mais il n’est pas question de nourrir son enfance essentiellement de Disney…C’est plein de stéréotypes et de sous-entendus pervers dans ces films !

Bah quoi, c’était vrai non ? Enfin bref, il regarda un à un les pots de peinture à la recherche d’une couleur claire, féminine mais pas non plus TRES féminine. Ren lui montra alors un pot de peinture de couleur rose pastel et le professeur fit une moue en secouant négativement de la tête. Il n’aimait pas franchement le rose…ou alors encore plus claire que le rose pastel clair ! Tiens, d’ailleurs il en vit un pot un peu plus loin et le compara à celui que tenait le jeune homme. Après avoir hésité pendant un bon quart d’heure, évitant soigneusement le jaune et le rose flashy, ils optèrent finalement pour un mur avec des rayures de couleurs orange et rose pastel très pâles. Comme le sol était en parquet, ça se mariait très bien avec le reste. En passant ils allèrent acheter des pinceaux pour peindre les murs et à la demande du médium achetèrent aussi quelques stickers en forme d’arbre, de princesses de Disney et d’animaux. Yûto avait soupiré d’un air excédé mais avait fini aussi par céder, réussissant à réduire le nombre de stickers de 20 à 10. La chambre du bébé était assez petite et il ne voulait pas que ça fasse trop chargé.

Ensuite ils se décidèrent à prendre des rideaux en dentelle blancs aux reflets orangés, trouvant tous les deux que rester dans les tons chauds était la meilleure solution et que Maki s’y sentirait comme chez elle. Et puis c’était la seule couleur sur laquelle ils étaient d’accord et franchement l’ange n’avait vraiment pas l’esprit et l’envie de se prendre la tête maintenant, dans un moment où ils étaient censés prendre du bon temps seuls tous les deux, sachant qu’après ils n’en auraient plus. Parce qu’il était évident qu’ils ne pourraient pas laisser la petite à la voisine tout le temps ! D’ailleurs en y pensant…Ils étaient en train de regarder des lits en bois quand il décida d'en parler à son compagnon.

- Il faudra qu’on s’organise pour les jours où ni toi ni moi ne seront là. Il serait fort possible qu’on doive engager une nounou pour s’occuper de Maki.

Ça ne lui plaisait pas forcément non plus de laisser leur enfant à un ou une inconnue au début mais avaient-ils seulement le choix ? Ni l’un ni l’autre ne pouvait l’amener à leur travail…L’ange pensa que sur ce sujet aussi, ce serait encore une prise de bec monstre…

- Oui c'est vrai...Tu as raison...Je prendrais des rendez vous la semaine prochaine.

Le plus vieux lui sourit doucement pour le réconforter. Il se doutait bien que Ren serait un peu plus touché par cette décision que lui. Non pas qu’il aimait le fait de laisser leur enfant à une nounou, mais il s’était fait à l’idée depuis quelques jours que ce serait indispensable s’ils voulaient avoir moins de problème de planning. Le médium avait des horaires plus qu’instables et Yûto n’y arriverait jamais entre faire les courses, s’occuper du bébé, faire des contrôles, les corriger, se préparer à la venue de l’Inspecteur d’Académie, s’occuper de l’appartement, aller aux réunions, aux colloques…mais comment faisaient les mères ou pères célibataires ??
Quand Ren lui proposa d’aller se promener, il sauta sur l’occasion et profité au maximum de leur petit moment en amoureux, à manger des pâtisseries tout en regardant des vitrines et en se demandant quand est-ce qu’ils auraient les moyens de se payer telle ou telle chose.

- On devrait quand meme s'accorder une sortie, une fois par semaine. Puisqu'il va falloir trouver une nounou. Qu'est ce que tu en penses ?
- Je suis tout à fait d’accord, fit le plus vieux en souriant lentement. Ça fera du bien autant à elle qu’à nous ! Et puis j’ai loin d’en avoir fini avec toi mon amour…

Il lui sourit en faisant un petit clin d’œil et passa un bras autour de ses épaules tout en tenant leurs sacs de l’autre. Ils firent un peu de chemin avant que soudainement le magicien ne lui échappe et se dirige vers une petite bijouterie à l’enseigne brillante et attirante. L’ange n’avait jamais eu vraiment d’attirance pour ce qui brille, les bijoux et ce genre de chose. Pourtant il dû avouer que de voir toutes ces jolies bagues le rendait tout chose. Comme si elles lui disaient quelque chose, essayaient de lui faire passer un message. Il regarda celle que Ren lui montrait à ce moment-là et fronça les sourcils. En effet elle était magnifique.

- Oh...C'est une bague de fiançailles...Dommage.

Ce mot aussi, il le rendait bizarre…du moins il sonnait bizarre à ses oreilles. Le jeune homme regarda son petit-ami à la dérobée quelques secondes et se reconcentra sur la bague. Si bien qu’il ne vit pas que le médium était parti sans lui et le professeur se sentit soudainement tiré par le bras, l’arrachant de sa contemplation.

- Allez, on doit aller choisir des jouets....
- Ah…oui

Il le suivit mais jeta un dernier coup d’œil à la devanture de la petite bijouterie. Voilà, il commençait à se poser des questions…Ils finirent leurs courses, achetant une poupée, des cubes à alphabets, des peluches et un doudou pour Maki. Il était assez tard quand ils rentrèrent et au lieu de tout ranger maintenant, et malgré les protestations de l’ange maniaque, ils posèrent juste les affaires dans la chambre de la petite. De toute façon elle n’y emménagerait pas avant quelques jours, donc ils avaient un peu de temps d’ici là pour tout bien mettre en ordre.

Yûto sortit de la chambre en fermant la porte et aperçut Ren dans la cuisine qui commençait à faire à manger. Il s’approcha et s’arrêta à l’entrée de la cuisine, les bras croisés et l’épaule contre le mur. Ainsi, il fixa pendant de longues minutes le jeune homme s’afférer avec la nourriture pour leur faire quelque chose de bon et nourrissant. Une vraie petite ménagère, pensa l’ange avec un petit sourire. Depuis que le bébé était là, le magicien se conduisait vraiment comme la parfaite mère au foyer et s’en sortait même mieux que lui avec Maki. Comme s’il avait des instincts maternels, ce qui était assez étrange à penser ! Il le regarda encore quelques instants avant qu’il ne s’en rende compte et lui sourit de ce sourire qui le faisait fondre sur place. Le professeur se redressa et s’approcha de lui par derrière pour le prendre dans ses bras et poser sa tête sur son épaule.

- T’es le meilleur, j’ai de la chance de t’avoir. Tu es…ma petite bonne fée du logis.

Il rigola doucement dans son cou et lui fit des baisers papillons dans la nuque, avant de s’écarter avec la sensation d’être le plus heureux. Ça sentait vraiment bon dans la cuisine, et bientôt dans tout l’appartement. Après avoir mis la table il s’y assit avec Maki à côté de lui et repensa à tout ce qui avait constitué sa vie depuis qu’il avait ce garçon de 5 ans. Les yeux dans le vague, il revit toutes les scènes importantes le liant à l’humain et une le marqua un peu plus cette fois-ci. Il l’avait oublié pendant un instant mais quand il se la remémora un frisson le parcouru de part en part. Au même moment Ren arriva avec les plats et les posa sur la table. L’ange le regarda alors dans les yeux avant qu’il n’ait pu faire un seul mouvement pour les servir et lui posa cette question :

- Tu tires souvent les cartes aux gens ?

N’étant pas bien grand par rapport à Ren (à peu près 3 centimètres de moins), il n’avait aucun mal à atteindre sa nuque et la chatouiller de ses lèvres.

- Tu vas me faire faire brûler le repaaaaaaaaaaaas....

L’ange rigola et continua son manège, venant finalement embrasser le plus jeune qui le forçait presque avec son bras. Enfin forçait…le médium ne pouvait pas le forcer à l’embrasser, l’ange le faisait avec bonne volonté ! Il le remercia ensuite d’être là pour lui, tout simplement. Bon il en profita pour se moquer un peu mais au fond, il était sincèrement reconnaissant au magicien d’être là pour le guider sur Terre. Parce qu’après tout, tout le monde avait besoin d’un ange gardien non ?

- Heureusement que tu m'as, sinon tu mangerais encore des boites ou du surgelé.
- Eh ! Les boites de conserves sont des plats très nourrissants ! Arrête de te moquer…

Il l’embêta encore un peu jusqu’à ce que le plus jeune frotte ses hanches contre les siennes d’une telle façon que Yûto dû se mordre l’intérieur de la joue pour résister à tout ça. Au final ça l’arrangea de se faire chasser de la cuisine et il se calma en mettant la table pour eux deux. Une fois assis, il se mit à repenser à toute cette histoire, à tout ce qu’ils avaient traversé tous les deux. Et une chose lui revint en tête, une chose qui lui faisait toujours autant de mal.

- Qu'est ce qu'il passe ? Tu n'aimes pas ? C'est trop épicé ??

Il répondit à ses questions par une autre question. L’un comme l’autre se souvenaient de ce jour où Ren avait tiré les cartes à l’ange, ce qui s’était terminé par une crise horrible. Il ne comprenait pas donc pourquoi des gens avaient recours à ce genre de « magie », car le professeur ne voyait pas ça comme de la magie ! Est-ce que beaucoup de personnes y avaient recours ?

- Oui, j'essaie de le faire le plus souvent possible...Pour voir...Enfin si les anges vont agir...Tu comprends ?
- Je comprends, mais c’est trompeur, et aléatoire.

Et il savait qu’il avait raison. Les ordres donnés aux anges pouvaient changer d’une seconde à l’autre, à quoi servait de tirer les cartes et lire l’avenir si celui-ci était inconstant à ce point ?

- Tu sais...quelque chose me dit qu'on est pas les seuls dans notre cas...Il y a eu d'autres anges injustement déchus...D'autres humains comme moi...j'aimerais bien les rencontrer. Je suis sur que tous ensembles...On peut combattre. J'ai confiance en mon don.
- Ren je suis désolé mais…je t’arrête tout de suite. Tu te donnes de faux espoirs je crois, de fausses espérances. Ton don…est peut-être puissant mais ne servira à rien contre une armée d’anges et d’archanges plus puissants en pouvoir et en force que toi.

Il s’en voulait de dire ça, de casser ce qu’il espérait. Mais pour Yûto c’était clair qu’une rébellion d’humains et d’anges déchus ne rimait à rien et n’arriverait à rien. L’histoire l’avait déjà prouvé : quand Dieu programmait la destruction du monde, ça arrivait toujours. A quoi bon perdre son temps à croire qu’on s’en sortira contre lui ? Ce temps, autant le passer à profiter de la présence de personnes qu’on aime.

- Pourquoi cette question ?

Oui c’est vrai, pourquoi cette question au juste ? Parce qu’il trouvait cette pratique absurde et voulait savoir combien de personnes en usaient ? Ou pour autre chose ?

- Pour savoir. Suis-je le seul à avoir réagi…excessivement ?

Il était évident que non. Mais il voulait s’en assurer tout de même. Cette fois-là il n’avait rien contrôlé, est-ce que ce serait différent s’il recommençait aujourd’hui ? Il avait peur de le faire, et pas franchement envie mais c’était intriguant. Est-ce que les mêmes cartes que la dernière fois sortiraient ? Ou est-ce que tout serait différent ? Et si la seule carte qui ne bougerait pas était celle de Satan ? Non, c’était pour ça qu’il ne voulait pas recommencer, il ne voulait plus voir sortir cette carte, la voir entre les mains du médium, tournée vers lui, le narguant, lui disant qu’il est aussi maudit qu’un démon lui-même. Non vraiment, ce genre de tour n’était pas pour lui, si on pouvait appeler ça un tour.

Il se mit à manger silencieusement, conscient qu’il avait plombé l’ambiance en posant cette question et en ramenant des souvenirs pénibles entre eux. Quel idiot, la journée s’était si bien passée, pourquoi avait-il tout foutu en l’air tout ça pour une question débile qui n’avait pas d’importance dans leur vie de couple ? Il fallait qu’il rattrape la situation, n’importe comment mais il le fallait.

- C’est super bon ! Tu as raison, les conserves ça craint.

L’ange soupira de soulagement en voyant qu’il avait quand même réussit à le faire rire un peu et vint lui piquer un bout de bœuf dans son assiette, qu’il mit malicieusement dans sa bouche.

- Si tu le veux faudra venir le chercher….

Il lui fit un petit clin d’œil puis avala, avant de prendre une gorgée d’eau.

- Au fait il faudra passer à la mairie pour les papiers concernant Maki. Il faut lui donner un nom de famille…

- Non...Certaines sont très troublées.....Mais je n'ai jamais vraiment eu de très mauvaises prédictions...

Alors c’était bien lui, le problème…Il n’y avait qu’avec lui, sur des centaines de personnes à qui Ren avait tiré les cartes, que celle du Diable sortait. Pourquoi ? Pourquoi lui faire ça ? Est-ce que cette marque horrible sur son bras ne suffisait donc pas ? A croire qu’en haut et en bas, ils s’amusaient avec lui…Cette idée lui donna des petits frissons et il arrêta de parler, se contentant de manger ce qu’il y avait dans son assiette. Il espérait que le médium entame une nouvelle conversation, n’importe quoi mais qu’il rompe ce silence tuant. Pourtant il se taisait toujours alors ce fut lui qui rompit la glace, le complimentant sur sa cuisine. Peut-être comme d’habitude, mais il ne pouvait s’en empêcher à chaque fois. C’était tellement bon ! Et le sentiment d’avoir quelqu’un pour vous cuisiner quelque chose était très agréable.
Voyant qu’il l’avait fait rire, il se permit de piquer un peu de viande dans son assiette avec un petit air espiègle
.
- Heeeeeeeeeeey rends le moi !

Il le taquina en lui disant de venir le rechercher, ce que bien sûr il ne fit pas. Pas besoin de montrer des scènes osées à Maki alors qu’elle n’avait à peine que quelques semaines ! Tiens en parlant de Maki…c’était vrai qu’elle n’avait pas de nom de famille et qu’il fallait l’inscrire sur le registre familial de l’un d’entre eux…et là l’ange se dit que lui donner son nom serait totalement inutile. Il n’existait pas, son identité était totalement fausse. Comment donner un faux nom à une fillette ?

- Lequel on va lui donner ? Peut etre qu'on pourrait donner nos deux noms...non ?
- Mmhhh…Alors on met le tien en premier et le mien en facultatif. Après tout il est totalement inventé ! Alors que le tien a fait des générations. C’est plus légitime que ce soit toi en premier non ? Le nom le plus… « humain ».

Il savait que Ren n’aimait pas qu’il parle ainsi mais il ne pouvait pas s’en empêcher. Parce qu’il avait raison n’est-ce pas ?

Quand ils eurent fini de manger ils allèrent faire la vaisselle et se coucher directement après, trop fatigués l’un comme l’autre. Ça n’empêcha cependant pas le professeur de reluquer comme il se doit son petit-ami en train de se changer devant lui. Le jeune homme fit courir ses yeux de son épaule jusqu’à ses fesses, en passant par son dos et sa chute de rein, juste magnifique. Il n’y avait déjà presque plus trace des violences du sorcier, seul ce plâtre gâchait un peu le tableau. Il sourit au magicien qui venait se coucher auprès de lui et l’embrassa de longues secondes durant, essayant de se retenir.

- Quand j'aurais enlevé mon platre, je compte sur toi pour etre mon professeur...ne ?
- J’y compte bien mon amour, j’y compte bien.

C’était marrant quand on se souvenait que quelques mois plus tôt, Ren avait été le professeur de Yûto et exactement (ou presque) pour les mêmes raisons ! Ou le même thème. Toujours est-il que là les rôles s’inversaient et que le plus vieux était impatient de commencer le cours. Mais chaque chose en son temps pas vrai ?

(…)

Le lendemain il ne travaillait pas de la matinée alors après avoir passé une nuit à se lever toutes les 3 heures pour s’occuper du bébé, vu que c’était son tour, il dormit jusqu’à 9h30 le lendemain matin et se réveilla alors que le médium était déjà debout. Si les autres fois ça le gênait d’être le dernier, là il ne se gêna pas pour flemmarder comme un lézard au soleil, s’étirant un nombre incalculable de fois et se rendormant pour quelques minutes à chaque fois. Si bien qu’à la fin les couvertures étaient emmêlées avec ses jambes et qu’il était couché en diagonale sur le lit. Il finit tout de même par se lever à un moment et s’avança en traînant les pieds jusqu’à la cuisine où bien sûr il trouva son petit-ami avec la petite fille, qui semblait bien en forme. L’ange bailla à s’en décrocher la mâchoire et vint leur dire bonjour d’un baiser, à elle sur le front et à lui à pleine bouche. Quand il eut son compte, il s’écarta de son amant et se servit une tasse de café, n’ayant plus aucune gêne à se balader en sous-vêtements devant lui. Au contraire, si ça pouvait lui donner des idées pour plus tard…

Après ça il alla se laver, corrigea une bonne dizaine de copies et finit par commencer à se préparer à sortir.

- On va aller faire ça ce matin ? Comme ça ce sera fait et on n’aura plus d’inquiétudes à avoir à ce sujet.

Yûto n’avait jamais eu l’habitude de se lever aussi tard, au contraire, il était plutôt lève tôt. Mais en ce moment c’était tout l’inverse de ce qu’il faisait habituellement. Déjà, il se levait en plein milieu de la nuit pour nourrir un bébé, il travaillait un peu plus et son cerveau turbinait à fond et réfléchissait trop. En plus il avait toujours ce mal de dos affreux depuis qu’il était revenu d’Afrique, pire qu’avant ! Mais il ne disait rien et, quand il le pouvait, se levait plus tard. Il en profita donc cette fois-là mais avec toujours dans l’esprit qu’ils devaient passer à la mairie. Sinon il ne serait pas debout avant 11h ! Enfin bref, il se leva avec le cerveau un peu embrouillé et alla rejoindre ce qu’il considérait maintenant comme sa petite famille et alla se réveiller comme il faut avec une tasse de café et une bonne douche.

Après ça ils allèrent directement à la mairie sans savoir ce qui les attendrait. Evidemment l’ange avait conscience du problème que posait l’homosexualité dans certains pays mais bon en tant que créature divine à la base, il n’y faisait plus attention. Il aurait dû se douter cependant que ça ne plairait pas du tout de voir deux hommes apparemment en couple arriver avec une petite fille de quelques semaines dans les bras. A ce moment-là il eut l’impression de ressembler à un démon, comme dans la case du chef de village en Afrique. C’était bizarre et il fronça les sourcils.

-Je ne signerais rien pour vous deux.
-Mais....Monsieur le Maire...pourquoi ?
-Egoistes, condamner une petite fille à vivre dans un ménage diabolique ! Vous etes dégoutant ! Sortez avec que je ne décides de vous en enlever la garde.

Ah non pas question, il ne se laisserait pas faire comme ça. En quoi ça le regardait qu’ils soient ensemble avec un enfant ? Un ménage diabolique ? S’il avait le temps et l’envie, il lui montrerait ce qu’était un ménage diabolique ! De toute façon avait-il vraiment le droit de leur enlever la garde ? Et pour quelle raison ? Homosexualité ? Il n’y avait pas de loi qui l’interdisait, c’était juste son opinion personnelle et elle n’avait pas le droit d’interférer ici. Yûto posa sa main sur l’épaule de Ren qui commençait à se lever et le força à se rassoir d’une simple pression alors qu’il se penchait vers l’homme qui leur posait problème.

- Vous l’aurez voulu ! Je vous retire la garde de la petite fille.

Et pour ne pas l’aider, le médium commençait à paniquer à côté. Alors que le coréen avançait le bras pour prendre un stylo, l’ange lui attrapa soudainement le poignet et le força à le regarder. Contact établi. Il resserra sa prise sans intention de la lâcher.

- Qu’est-ce que vous faites ? Je vais appeler la sécurité ! Vous êtes un homme dangereux !

Mais il ne l’écoutait pas et à la place plongea son regard sombre dans le sien.

- Ecoutez-moi bien Monsieur le Maire, vous allez mettre votre homophobie de côté et signer ce papier disant que cette petite fille qui est la notre aura le nom de Manobu Tsukushi.
- Je…je n’en ferai rien !
- Vous en êtes sûr ?

Grâce à sa main sur son poignet, Yûto pu utiliser plus de 65% de son pouvoir, ce qui était bien plus que suffisant pour faire plier l’homme. D’abord il le fit se calmer, apaisa sa colère et continua de le fixer alors qu’inconsciemment, il faisait de même. Heureusement qu’ils étaient dans un bureau !

- Vous êtes très content pour nous Monsieur le Maire, ça vous fait énormément plaisir que nous adoptions ce bébé et qu’elle ait nos noms. N’est-ce pas ?
- …
- Je n’ai pas raison ?

Cette fois-ci il supprima son amertume pour le remplacer par un peu de joie, de la reconnaissance et de la volonté d’aider. Tant que dans l’esprit du coréen cette démarche lui paraissait positive, tout se passerait bien. Une goutte de sueur coula le long de son front mais il tint bon. La douleur dans son dos se réveilla cependant il ne le lâcha pas, même pas du regard.

- Cette idée est très bonne, nous méritons cette enfant.
- Très bonne, vous la méritez.
- Vous trouvez aussi ? Vous allez donc signer ?
- Tout de suite Tsukushi-san.

L’ange le lâcha un peu le temps qu’il signe le papier et avant qu’il n’ait pu se rétracter, le prit avec lui. Le Maire ne reprendrait ses esprits que dans quelques minutes alors le professeur prit le temps de s’incliner poliment devant lui avant de se lever, entraînant le magicien avec lui.

- Merci Monsieur.

Quelques secondes plus tard ils étaient dehors, avec leur fille qui portait leurs noms dans leurs bras, alors qu’à l’intérieur le Maire reprenait ses esprits, ne comprenant plus rien de ce qu’il s’était passé.

Ça ne lui était jamais arrivé comme ça. Même en Afrique il n’avait pas autant souffert d’utiliser ses pouvoirs, et Dieu sait qu’à ce moment-là il en avait usé jusqu’à en mourir de fatigue. Pourtant là c’était différent. Il se sentait puissant et en même temps si mal ! La goutte de sueur qui coula le long de son visage en témoignait plus qu’autre chose, son mal de dos aussi. Pourtant il n’abandonna pas, pas maintenant alors qu’il était si près du but. Et en effet, quelques minutes voire secondes plus tard le Maire signait ce papier. Ren disparut juste après ça et Yûto se leva aussi rapidement, prenant le papier avec lui et s’inclinant légèrement devant l’homme, au cas où quelqu’un regarderait à ce moment-là. Qu’ils n’aient pas l’air de partir comme des voleurs !

Après ça il sortit à son tour, courant après son petit-ami en l’appelant. Ce dernier avançait très rapidement, trop rapidement pour lui. Avec la nuit qu’il avait passée à se lever toutes les 3heures plus cet effort pour maîtriser la situation, il n’était pas aussi énergique que d’habitude et ça se fit ressentir dans son avancée. Pourtant il fit tout pour n’en rien laisser paraitre et suivit aussi rapidement que possible le magicien dans les rues menant à chez eux. Il le savait dans un très mauvais état, il sentait à des kilomètres à la ronde sa tristesse et son amertume. A moins que ce ne soit celles des autres passants. Il n’arrivait plus à le dire, sa faiblesse faisait baisser la muraille qu’il dressait habituellement pour s’empêcher d’être submergé par les sentiments de la population. Le professeur réussit enfin à arriver près de Ren qui, comme il le pensait, pleurait tout en essayant de calmer Maki qui s’était réveillée. Il lui posa doucement sa main sur son épaule pour lui montrer son soutien et faire partir toute cette tristesse dans ses yeux. Il détestait le voir comme ça plus que tout.

- C'est cruel. Il ne nous connaît même pas...Comme on peut dire aussi facilement qu'on est des mauvais parents ?
- Il est stupide. Moi je sais que tu es un très bon père alors ne l’écoute pas. N’écoute pas les autres et aie confiance en toi seulement. Ce qu’ils peuvent dire n’a pas d’importance si toi tu sais que tu fais de ton mieux et que tu le fais bien.

Il lui caressa la tête pendant quelques secondes jusqu’à ce que le médium s’écarte brusquement de lui, l’air sérieux. Quoi encore ? Qu’est-ce qui n’allait pas cette fois ?

- Quand est ce que tu allais te décider à m'en parler ?
- Parler de ?

Mais ça ne servait à rien de faire l’idiot, Ren ne l’était pas. Sincèrement, il ne voulait pas en parler. Et pour quoi dire ? Il était un peu fatigué, voilà tout. User de ses pouvoirs n’arrangeait pas les choses mais en quoi en discuter allait changer quoique ce soit ? Jusqu’à présent il avait fait avec et aucun des deux ne s’en était plein. Du moins l’ange ne s’en plaignait pas même si parfois la douleur était si atroce qu’il avait envie de pleurer. Mais ça n’arrivait pas souvent, voire rarement alors pas de raison de s’alarmer.

- Ecoute Ren je n’ai vraiment pas envie de parler de ça dans la rue, alors on va d’abord rentrer, ranger ce papier, coucher Maki pour qu’elle se repose, manger et après on en parlera…ou ce soir quand je reviendrai des cours.

Il savait qu’il n’y échapperait pas, mais tant qu’il pouvait éloigner la date, c’était mieux. Pour alléger l’atmosphère il passa son bras autour de sa taille et lui fit un sourire, le poussant à avancer. Ça ne suffirait pas évidemment mais au moins essayait-il d’amortir le choc de cette conversation. Tout en rentrant il réfléchit à ce qu’il pourrait dire et ne trouva pas les bons mots, les bonnes phrases pour expliquer tout ça. Lui-même n’en savait rien à vrai dire. Une fois rentrés, la petite couchée et le papier à sa place avec tous les autres et en sécurité, le professeur s’apprêtait à sortir ses copies à noter et qu’il n’avait pas réussi à finir depuis des jours quand le médium l’en empêcha, l’air très mécontent. Comme il ne voulait pas le contrarier et qu’une dispute n’arrangerait rien à son état de fatigue, il lui fit signe de s’assoir à côté de lui sur le canapé et prit sa tête entre ses mains avant de se tourner vers lui, l’air décidé.

- S’il te plait Ren écoute-moi sans m’interrompre. Oui comme tu as dû le remarquer je suis de plus en plus fatigué, j’ai aussi constamment mal au dos et me servir de mes pouvoirs rien que pour stopper toutes ces voix dans ma tête s’avère de plus en plus épuisant. Mais ce n’est pas grave, ça ne nécessite pas de s’inquiéter.

Il lui prit la main et lui sourit.

- Je suis sûr que c’est parce que j’ai repris le travail et que Maki fait ses nuits. Quand ça sera fini tout rentrera dans l’ordre alors tu n’as pas à t’inquiéter pour ça d’accord ? Si je ne te l’ai pas dit c’est parce que tu es plus mal en point que moi et que tu sais très bien que je n’aime pas qu’on me plaigne.

Pour lui la conversation s’arrêtait là, il n’avait rien d’autre à ajouter. Tout ce qu’il avait dit était techniquement vrai et il se refusait à dire que son pouvoir avait une quelconque incidence sur ses problèmes de fatigue. Enfin bref, il fit une moue au médium pour l’amadouer, espérant que ça puisse marcher.

- Tu m’en veux ?

En sortant ses copies de son sac il se mit à réfléchir à ce que Ren avait dit dans la rue. Qu’il était un bon père. C’est vrai que Yûto ne se considérait pas encore comme un bon père, voire pas comme un père du tout. Il avait l’impression que le médium faisait tout le travail et qu’il était le seul à s’occuper vraiment de Maki. L’ange se dit que sûrement c’était dû au fait qu’il n’avait jamais eu de famille et ne pouvait pas se comporter comme une personne normale le ferait. Il n’avait pas cette sensation de bonheur intense en portant la petite fille, même si la voir sourire le faisait sourire à son tour. Sortant une des copies avec un « B » écrit dessus, il se demanda combien on lui donnerait comme note en tant que père adoptif. Il ne se donnait pas plus de D, malheureusement. Et il fallait absolument un B+, ou juste un B pour être considéré comme un bon père. Pour lui, Ren avait un A. Un joli A.

-Ah non ! Pas question !

Il sursauta violemment, tiré de ses pensées et soupira en voyant son air mécontent. Ah oui, il fallait discuter de ça…Sincèrement il ne voyait pas où était le problème. Un coup de fatigue c’est tout ! Rien de plus ! Pourquoi chercher midi à 14h ? Il fit cependant un effort et lui expliqua ce qu’il pensait, que ce n’était pas grave, que ça s’arrangerait une fois la période des nuits de Maki passée. Mais il voyait bien sur son visage que ça ne lui convenait pas. Qu’aurait-il voulu qu’il lui dise à la fin ? « Je souffre, j’en ai marre, plains-moi ! » ? Non ! Ce n’était vraiment pas de son genre ! Il détestait se plaindre, détestait montrer ses sentiments aux autres personnes que le magicien et détestait par-dessus tout montrer ses faiblesses. Mais c’était un truc d’ange ça, aucun ne devait ni ne voulait montrer sa vulnérabilité. Yûto était un ange avant toute chose, et ça il fallait qu’il le comprenne.

- Il faut vraiment que tu prennes ca plus sérieusement. Tu n'es pas à l'abri des malheurs. Tu imagines si tu venais à disparaître ? Jamais on ne s'en remettrait. Il lui donna un petit coup sur l'épaule les larmes aux yeux.
Alors arrêtes de prendre ce genre de choses à la légère, et surtout, parles en moi !
- Mais Ren, je ne vais pas disparaitre comme ça ! Sauf ton respect, je ne suis pas humain ! Une simple fièvre ne va pas me tuer, je ne crains pas les maladies ! Sinon ça ferait longtemps que je serais séropositif moi aussi. Je comprends ce que tu veux dire mais…je ne veux pas te parler pour te raconter des choses aussi insignifiantes et ennuyantes. J’ai une santé de fer.

Avec juste des hauts et des bas, c’est tout. Mais ça il ne le précisa pas et prit plutôt son petit-ami dans ses bras pour se faire pardonner, usant de ses charmes multiples pour le faire céder et rire avec lui. Voilà, c’était ça qu’il aimait lui. Pas parler de sa fatigue !

Enfin bref, tout revint presque dans l’ordre et le professeur passa une après-midi normale à faire cours jusqu’à 18 heures. Ensuite il rentra chez lui où il trouva le médium assis sur le canapé à somnoler avec la petite fille. Le jeune homme alla faire un tour dans la chambre et sourit en voyant qu’il avait déjà bien avancé la peinture des murs. Il prit doucement Maki dans ses bras sans réveiller le plus jeune et alla la coucher vu qu’elle semblait épuisée. Regardant dans le four, il constata que le dîner était prêt lui aussi. Ses yeux tombèrent sur le calendrier qu’ils avaient attaché au mur et il se demanda quand est-ce qu’il aurait sa soirée avec lui pour aller l’emmener manger une pizza et boire une bière dans un petit bar sympa. En ce moment il n’avait envie que de ça. C’était simple certes, mais il savait que ça leur irait parfaitement. Mais bon ce n’était pas pour tout de suite, il en avait bien conscience et ça lui minait un peu le moral.

Le professeur fit réchauffer le dîner à feu doux, pour ne rien brûler et vint s’assoir sur les genoux de son petit-ami qui, sur le coup, sursauta alors que l’ange passait ses bras autour de son cou et venait l’embrasser langoureusement. Après quelques longues secondes à se savourer doucement l’un l’autre, comme s’ils ne l’avaient jamais fait auparavant, le plus vieux se releva et alla mettre la table pour le dîner, qui arriva peu de temps après. Celui-ci fut très agréable. Pas de dispute, pas trop de fatigue, un bon moment entre deux…papas. Conjoints ? Il n’arrivait pas à donner de mots pour l’instant. Avant c’était facile : petit-ami. Maintenant…compagnon ? Ça englobait tout non ? Il n’y avait bien que lui pour se torturer l’esprit avec des détails aussi insignifiants !

Un peu plus tard ils allèrent vérifier que Maki dormait bien et s’installèrent devant un drama avec des petites confiseries que l’ange avait ramenées en rentrant du lycée. Puis après un bon moment à se taquiner silencieusement et à se faire des regards d’amoureux, ils allèrent se coucher. Ce n’était pas le meilleur jour qui soit, mais pas le plus malheureux non plus. Et puis, mine de rien, ça turbinait toujours dans la tête de l’ange…

Voir le jeune homme ainsi endormit en rentrant du travail le fit agréablement sourire. Il était trop mignon avec la bouche un peu entrouverte, la tête partant sur le côté et le bébé endormit aussi dans les bras. Un beau tableau qui lui réchauffait le cœur. Il s’occupa d’abord de la petite, l’emmenant dans son lit dans leur chambre à eux, le temps que la sienne soit terminée d’être préparée. Ensuite il alla voir le dîner et réveilla son petit-ami en s’asseyant sur ses genoux et lui donnant un magnifique baiser de prince à sa princesse. Le médium, évidemment, n’était pas contre et s’en délectait tout autant que lui.

- Tu devrais avoir honte.
- Toi aussi petit humain.

Il l’embrassa rapidement une dernière fois et finit de réchauffer leur dîner pour l’apporter à table où ils dînèrent sans qu’il n’y ait d’embrouilles. Puis ils allèrent se coucher calmement, passant l’étape des câlins ou des chamailleries pour s’endormir tout de suite. Parce qu’étant de service pour la nuit, il devait se réveiller souvent et s’occuper de Maki, puis aller au boulot alors il préférait s’endormir assez tôt pour profiter du maximum de sa très courte nuit.

Comme prévu ce fut extrêmement épuisant et, arrivé en cours, il se demanda ce qui le tenait vraiment debout sur ses deux pieds. Pourtant après quelques minutes il se reprit et pu assurer ses cours, et ce toute la journée sans flancher. Après tout il aimait faire ça non ? Ce n’était pas une petite fatigue passagère qui allait détruire ses capacités et ses compétences pour enseigner le théâtre et son art aux élèves. Ce fut donc requinqué et fier de lui qu’il ressortit du lycée et se dirigea vers chez lui. En arrivant dans l’appartement il appela Ren et, voyant que personne ne lui répondait et que surtout la petite fille pleurait dans le vide, il s’efforça de la calmer rapidement puis fit toutes les pièces jusqu’à la chambre en préparation, où il trouva le magicien couché par terre et inconscient. Yûto eut beau le secouer légèrement, lui tapoter les joues et l’appeler, il ne répondait pas. Au moins il respirait et pas trop difficilement, donc il appela une ambulance qui vint le chercher en quelques minutes. L’ange confia Maki en urgence à la voisine avec toutes ses affaires, s’excusant mille fois puis suivit le véhicule blanc avec sa voiture.

Arrivés à l’hôpital ils le mirent sous perfusions et tout ce qui s’ensuivait, lui prenant du sang pour faire des tests et prélevant ses urines ce qui, il pensait, n’était pas vraiment nécessaire. Pendant tout ce temps il avait essayé de rester et paraitre calme devant tout le monde mais à l’intérieur de lui-même, il était très inquiet. Vraiment très inquiet. Il était évident que c’était dû à la maladie, cette maladie qu’ils avaient un peu trop tendance à oublier. L’ange se morfondit donc pendant près d’une heure supplémentaire, appelant la voisine toutes les 15 minutes pour savoir si ça allait bien avec le bébé, ce jusqu’à ce que Ren se réveille.

Tout de suite le professeur attrapa sa main et la caressa avec son pouce, espérant ainsi un peu le calmer car il voyait la panique dans ses yeux. Quand il fut sûr qu’il avait un peu mieux analysé la situation, il lui fit un beau sourire réconfortant et un baiser sur le front.

- Tu as eu un malaise à la maison, je t’ai trouvé dans la chambre de Maki. Le médecin dit que ce n’est pas très inquiétant mais…c’est lié à la maladie. Il va passer un peu plus tard nous expliquer.

L’ange se mordit la lèvre pour ne pas laisser paraitre son angoisse, après tout le médium devait déjà être bien stressé comme ça alors pas besoin qu’il le soit lui aussi. Après tout il comptait sur lui alors il allait tout faire pour le distraire un peu, en attendant que le professionnel pointe le bout de son nez.

- J’ai confié Maki à la voisine, ne t’inquiète pas. J’irai la chercher dans la soirée, je lui ai donné tout ce qu’il faut.

Le jeune homme lui caressa la tête de longues minutes, perdu dans ses pensées. Ce n’était que maintenant qu’il s’était rendu compte de la peur qu’il avait ressenti en le voyant couché au sol, presque inanimé. Et là il s’était rendu compte de ce qu’il aurait à vivre un jour. Que peut-être la prochaine fois, Ren en se réveillerait pas. Il détestait vraiment penser à ce genre de chose mais c’était nécessaire non ? Il fallait être réaliste, et Yûto l’était bien assez. Il l’était tellement qu’il savait aussi que le temps leur était compté et que s’il voulait donner la meilleure vie au magicien, il devait s’y prendre tout de suite. Et il avait bien une petite idée derrière la tête pour ça.

Le médecin arriva un peu plus tard avec un air rassurant, preuve que ce n’était peut-être pas si grave. Il avait dans ses mains le dossier du médium.

- Bon. Ce n’était qu’un léger malaise dû à l’effort et la fatigue. Une petite baisse de tension associée à la maladie et à vos récentes blessures. Il n’y a rien de bien grave mais il faut modérer vos efforts et faire plus attention. En agissant ainsi vous donnez de l’avantage à la maladie.

Et évidemment, ce n’était pas ce que l’un et l’autre souhaitait. Le docteur donna encore deux ou trois petits détails, des graisses à éviter pour qu’il ait une alimentation plus saine, bien qu’il n’y ait que peu de choses d’interdites, puis s’en alla avec un petit sourire, laissant les deux jeunes hommes seuls entre eux.

- Il a dit que tu pourrais repartir demain midi, c’est cool non ? Je viendrai te chercher pendant ma pause de midi et te ramener à la maison. Et ne t’inquiètes pas pour Maki, fit-il tout de suite en voyant sa tête, je m’arrangerai. Tu veux que je te laisse dormir maintenant ?

- Je suis désolé...De te causer tellement de soucis.

Yûto fit une moue contrariée. Combien de fois devrait-il lui dire qu’il se foutait de tout ça ? Que les soucis provenaient essentiellement de l’ange et non de l’humain ? Il ne dit rien pour cette fois parce qu’il ne voulait pas créer de tensions inutiles entre eux deux. Tout ça il l’avait choisi en quelque sorte, si vraiment ça le dérangeait tant que ça, il ne resterait pas avec Ren. Il n’était pas du genre à s’encombrer de choses dont il ne voulait pas. Ils passèrent le reste du temps à attendre le médecin et son pronostique, ce qui fut un moment très calme et silencieux vu qu’ils n’avaient pas besoin de se parler cette fois pour se comprendre.

Le médecin arriva un peu plus tard, fit une batterie d’examen et leur donna son avis sur son malaise. Savoir que ce n’était pas si grave le rassura un peu, il suffisait juste qu’il ne soit pas trop hyperactif pendant un certain temps et ça Yûto y veillerait personnellement. Quitte à le sermonner ! Restait la crainte que ça empire, mais il la chassa bien vite. S’ils faisaient attention, il ne lui arriverait rien de sitôt ! C’est vrai que depuis qu’ils étaient revenus ils avaient un rythme de vie infernal qui ne leur laissait se reposer que peu de temps. Le professeur se promit de fournir plus d’efforts pour qu’il en ait moins à faire. La santé du magicien avant tout ! Et pour ça il était prêt à s’occuper de Maki toutes les nuits.

Quelques minutes après le départ du médecin, il lui dit qu’il allait partir. Il devait encore récupérer Maki et essaya de lui redonner un peu de courage en parlant de sa sortir le lendemain. Il fallait positiver, c’était tout ce qu’il leur restait !

-Si Maki est en sécurité...tu peux rester jusqu'à ce que je m'endormes ?
- Bien sûr mon amour, autant de temps que tu veux.

Et il le pensait vraiment. Le jeune homme se rassit sur la chaise près du lit et prit la main de son petit-ami pour la caresser une nouvelle fois, espérant qu’ainsi il s’endorme rapidement et d’un sommeil profond et réparateur. Mais c’était loin d’être le cas quand le médium lui avoua qu’il avait peur…et sincèrement, lui aussi. Cependant il ne le laissa pas paraitre.

-J'ai l'impression que le temps m'échappe. Il y a encore tellement de choses que j'aimerais faire...J'aimerais voir Maki grandir...Qui sait un jour pouvoir me marier avec toi. J'aimerais vieillir à tes cotés et partir très vieux....

Se marier…l’ange s’étonnait toujours du fait que, sans le vouloir parfois, Ren disait en mots ce que lui pensait depuis quelques temps. Comme si sa bouche répondait à son cerveau et parlait pour lui. Se marier…A peine eut-il entendu ces mots qu’il vit la magnifique bague chez le bijoutier.

- Mais il se peut que ça arrive, que tu vieillisses avec moi à tes côtés. La médecine fait des progrès tous les jours ! Regarde, il y a 10 ans la plupart des séropositifs succombaient après quelques mois…Tout change. Il faut positiver Ren, promet-moi que tu vas t’accrocher, que tu vas y croire. Si tu pars défaitiste sur ton avenir…tu ne pourras pas profiter de la vie comme il faut.

Il lui sourit avec un air rassurant, séchant son début de larme avec ses pouces.

- Je jure de tout faire pour que tu aies une vie normale, avec les étapes normales d’un être humain. Tu vas voir grandir ta fille, tu peux en être sûr.

Non il ne pouvait pas en être 100% sûr, mais s’il n’y croyait pas, ça n’arriverait pas non ? Yûto lui raconta des tas de choses sur leur futur, parlant de l’entrée à la maternelle de Maki, du collège, du lycée, dans quel boulot il la verrait, des vacances qu’ils prendraient…tout ça avec une voix douce et un ton calme qui finit d’endormir le jeune homme au bout de quelques minutes. Avec un léger sourire, l’ange le borda correctement, remontant la couverture jusqu’à son menton et déposa un baiser sur son front avant de sortir, pile au moment de la fin des visites. Il rentra à l’appartement la tête bien remplie : il avait demandé à Ren d’y croire alors lui aussi devait le faire. Et quelque part oui, il avait foi.
Le jeune homme donna à manger au bébé et la coucha en même temps que lui. Faire les nuits ne lui paru plus aussi fatiguant puis que ça l’empêchait de faire ses crises. Et comme une solution, Maki se réveillait et se mettait à pleurer au moment-même où il sentait le cauchemar l’envelopper. Et le lendemain il la confia à nouveau à la voisine, s’excusant encore une bonne vingtaine de fois. Et pendant tout son cours il ne pensa qu’à ce qu’il allait faire un peu plus tard. Il était 100% sûr de lui et faisait un plan dans sa tête. C’est pourquoi à 11h, à peine sortit de sa salle il se dépêcha d’aller récupérer Maki et rentra dans le centre commercial, ses pieds le guidant tout seul. Puis il entra dans la bijouterie.

Le reste on s’en doute. Toujours est-il qu’il en ressortit 20 minutes plus tard avec le bébé dans les bras et son sac de prof. Il installa la petite comme il faut dans la voiture tout en lui parlant et alla se garer à l’hôpital. Les infirmières avaient déjà préparés le médium à sortir et celui-ci l’attendait devant la porte principale, ce qui le surprit un peu. L’ange s’approcha de lui avec la petite dans les bras et vint embrasser son amant, rassuré de l’avoir près de lui malgré qu’il n’ait pas fait sa crise sans lui.

- On rentre ?

C’est vrai, la première chose qui le préoccupa en se couchant dans le lit était l’absence du médium. Ce qui voulait dire qu’il dormait seul, à la merci de ses cauchemars et de ses crises. Il n’y avait rien de pire que cette angoisse qui formait une boule dans sa gorge et dans son ventre. Pourtant quand il ferma les yeux, il s’endormit tout de suite…et pile au moment où il revoyait cette scène atroce dans sa tête, Maki cria à s’en déchirer les poumons, le réveillant en sursaut. Et ce toute la nuit. C’est pourquoi le matin, quand il se prépara pour aller travailler, il se dit qu’il avait la meilleure famille qui soit. Le bébé aurait pu dormir tranquillement ou juste ne pas être là, mais non. La petite fille était là pour lui comme il l’était pour elle. Ça le fit sourire, il ne regrettait pas cette adoption.

Il alla d’ailleurs la confier à leur voisine pour la mâtinée et assura ses cours normalement, ne pensant qu’à Ren et la surprise qu’il lui réservait qui, il l’espérait, lui plairait. C’est pourquoi il sortit anxieux du lycée pour se diriger vers le centre commercial et plus précisément cette petite bijouterie devant laquelle ils étaient passés la dernière fois. Ce qu’il voulait était toujours là, dans la vitrine, avec toujours le même prix un peu trop élevé pour lui. Mais il ne voyait pas ça, ce qui d’ailleurs était le point fort des vendeurs. Il entra à l’intérieur, parla quelques instants avec le vendeur qui lui conseilla pas mal de bagues, regarda les tailles avec lui, le style et finalement Yûto se rabattit sur son premier choix, le même que Ren. Il ressortit quelques minutes plus tard et alla prendre Maki chez la voisine pour aller chercher le médium à l’hôpital.

En arrivant il fut heureux de constater que non seulement le magicien avait un sourire, mais aussi qu’il n’avait plus de plâtre au bras. Alors il alla le prendre dans ses bras autant que le bébé le lui permettait et lui proposa de rentrer.

-Oui, allons y...

L’ange lui sourit et alla les installer dans la voiture, s’occupant du siège-auto.

-Tu es obligé de retourner au travail cet après midi ?
- Tu sais bien que oui, fit-il avec un sourire désolé. Mais je reviendrai vite tu verras.

Il se mit à la place conducteur et démarra. Malgré ses envies il ne pu rester à l’appartement une fois arrivé et repartit directement pour le lycée avec un sandwich pour manger, qu’il dévora pile avant de rentrer en classe. L’après-midi passa trop lentement pour lui. Peut-être était-ce à cause de ce qu’il préparait, qui le rendait anxieux et pressé. Donc quand la cloche sonna la dernière heure, il couru jusqu’à sa voiture et rentra rapidement chez lui. Là, il dit bonsoir à tout le monde et prit Maki dans ses bras pour aller lui faire prendre son bain, sans demander son avis au médium qui devait en être étonné. Une fois ça de fait, il farfouilla dans les affaires qu’ils avaient acheté récemment et sortis un ensemble pas trop frivole qu’il mit au bébé tout en jouant avec.

-On va quelque part ?
- Discute pas et va t’habiller convenablement. On sort en famille ce soir !

Il savait que malgré les questions qu’il devait se poser, ça lui faisait déjà plaisir. Une sortie en famille, première chose à réaliser sur sa liste des évènements dans la vie de Ren. Yûto enfila un jeans noir, une chemise blanche et une veste en coton marron, coiffa un peu mieux ses cheveux en bataille et alla voir si son petit-ami avait terminé. Celui-ci en effet était prêt également, habillé classe mais aussi décontracté. Le professeur arriva derrière lui et lui fit un bisou dans le cou tout en rigolant.

- Tu verras, tu vas aimer.

Ou du moins il l’espérait. Quand tout le monde fut prêt, il prit les clés de l’appartement et de la voiture et les poussa dehors, le magicien avec la petite dans les bras et les fit monter dans le véhicule, prenant encore bien soin d’attacher la fillette à son siège. Avec l’épée qui trônait au-dessus de leur tête, mieux valait prendre toutes les précautions. Il mit la musique et démarra, ignorant les suppliques du plus jeune lui demanda où ils allaient. Pendant tout le trajet il rigola et fit des blagues stupides pour cacher son anxiété grandissante. Et si ça ne marchait pas ? Et s’il avait faux sur toute la ligne, que ce qu’il faisait n’était pas la bonne chose ? Malheureusement ce n’était plus le moment de revenir en arrière, puisqu’ils étaient arrivés.
Le jeune homme gara la voiture et se tourna vers eux.

- On est arrivé ! Tout le monde descend !

Ils descendirent donc, s’arrêtant devant des simulacres de ruines d’un ancien cirque. Celui de Ren, il le savait. Ils en avaient parlé une fois, rien qu’une seule fois mais Yûto avait cette particularité de ne jamais rien oublier. Alors il lui prit la main et le guida jusqu’à l’entrée de l’endroit où le jeune médium avait grandi, avec sa mère et ses compagnons de divertissement. Ce lieu était assez macabre pour lui mais sûrement plein de souvenir dans la tête du plus jeune. Il le guida jusqu’à une petite roulotte où devant se dressait une table ronde, minuscule, recouverte d’une nappe en carreau blanche et rouge avec deux bougies allumés, deux assiettes, 4 couverts et deux verres à champagne qui accompagnaient la bouteille. Il en avait bavé pour installer ça mais il était très fier du résultat. Se tournant vers son petit-ami, il dit tout bas :

- Ça te dirait un dîner avec moi dans ton ancienne maison ?