- Je veux te croire...

Retrouver pareil contact était une bénédiction. Pourtant il ne faisait que s’accrocher à ses épaules et lui se rapprocher un peu plus de son visage. Mais il avait l’impression que la dernière fois qu’ils s’étaient pris dans les bras aussi amoureusement datait d’il y a des siècles. Bien sûr le jour de sa demande ils avaient été très proches, mais pas aussi proches physiquement parlant. Le baiser qu’ils commencèrent à échanger par la suite prouva le fait qu’ils étaient affreusement en manque l’un de l’autre. Yûto se laissa aller dans ce contact précieux qui lui fit rapidement perdre la tête. L’odeur et la présence de Ren dans ses bras étaient si envoutantes qu’il ne pouvait s’empêcher de lui dévorer les lèvres sans gêne, glissant ses mains le long de son corps, remontant vers son cou qu’il prenait entre ses paumes, rapprochant son visage du sien pour plus de profondeur et de sensation. Un accès de conscience le força à arrêter là, parce qu’encore une fois, ce qui était arrivé au médium ne serait pas réglé aussi facilement par de simples baisers, il le savait. Et puis il n’était pas assez en forme pour assumer ce genre d’activité épuisante. A la place il lui dit simplement qu’il l’aimait.

- Moi aussi mon ange que je n'échangerai contre rien au monde...

L’ange en question fit un sourire en coin et revint échanger lui aussi un baiser passionné avec son amant et bientôt mari, qui lui fit une fois de plus perdre la tête. Il en voulait tellement plus…mais ne pouvait décemment pas. C’était décevant mais tant pis, ce serait meilleur la prochaine fois non ?

- Je compte sur toi pour etre en forme pour la lune de miel, sinon ma surprise va tomber à l'eau...
- Une surprise ? J’ai hâte…

Avec un air assez lubrique, le professeur retourna lui mordiller les lèvres et suçoter sa peau, les faisant rire tous les deux alors qu’ils partageaient un de ces rares moments de plénitude. Mais attendez…s’ils n’avaient pas fait ça depuis longtemps, c’était pour une seule raison…la raison qui d’habitude les réveillait la nuit et qui là, ne l’avait pas fait.

- M...Maki ! Elle ne s'est pas réveillée cette nuit.

Aussitôt Yûto paniqua. Oh non, ils n’y avaient même pas pensé ! Et si elle était malade ! Mourante ! S’il lui était arrivé quelque chose pendant qu’ils dormaient comme des loirs ? Pourquoi avoir dormi si longtemps ? Quel idiot ! Mort de peur, il se releva avec le médium qui l’aida à aller le plus vite possible dans la chambre de la petite fille…qui dormait profondément. L’ange posa sa main sur son front. Sa température était normale et elle respirait bien, ne transpirait pas. Tout était normal. Mais alors… ?

- Elle a fait sa nuit !

Il ressentit un immense soulagement, encore plus quand elle se réveilla en forme. Ren s’apprêtait à la prendre mais il l’arrêta et se pencha sur le petit lit, avec un sentiment de culpabilité.

- Laisse, je vais le faire.

Il la prit dans ses bras sans difficulté vu qu’elle n’était pas très lourde alors que le plus jeune allait faire le petit-déjeuner. Prenant un body propre dans l’armoire toute refaite, il alla dans la salle de bain la nettoyer et l’habiller, puis s’assit à table avec un biberon dans la main qu’il commença à lui faire boire. Il regarda un long moment le bébé téter la tétine du biberon comme si elle ne dépendait que de ça, son petit poing serrant fortement la manche du haut de son père. Son père…le jeune homme ne pouvait quitter des yeux ceux immenses de Maki, qui le fixait tout en buvant.
Le professeur releva la tête quand son petit-ami les rejoignit avec le petit-déjeuner et lui sourit tendrement comme il le faisait avec la fillette.

- Tu fais un père merveilleux. Tu verrais comme elle te regarde, ca se voit qu'elle t'admire réellement...Et puis tu es toujours si doux, si attentionné ?

Yûto ne sourit que brièvement, ne sachant pas s’il devait dire merci ou se taire et accepter simplement ces compliments qui, même s’ils le touchaient, sonnaient faux à ses oreilles.

- Alors pourquoi je vois autant de doute sur ton visage ?

Le professeur baissa les yeux sur le bébé et la regarda un petit moment, avec toujours ce sourire sur le visage.

- Tu sais tout à l’heure…j’ai eu peur. Il aurait pu lui arriver quelque chose que je ne l’aurai pas remarqué. Et puis plus tard j’ai peur de ne pas être à la hauteur, je ne suis pas un humain, je ne réfléchis pas comme vous. J’ai des priorités différentes et…je pense que sans toi il manquera quelque chose dans son éducation. Quelque chose que je ne pourrai pas lui donner.

Il soupira et retira le biberon vide de la bouche de Maki qui fit des petites bulles de salive avec ses lèvres. Il la porta jusqu’à son épaule et la berça doucement en tapotant son dos jusqu’à ce qu’elle fasse un petit rot satisfaisant. Il la reposa ensuite contre lui et se tourna à nouveau vers le plus jeune.

- Tu parlais d’admiration. C’est bien sûrement, mais ça ne suffit pas. Il lui faut autre chose. Ça a beau paraitre stupide mais…elle a l’admiration qu’une fille a pour son père envers moi peut-être, mais pour l’amour d’une mère c’est vers toi qu’elle se tournera. Et je ne pourrai pas lui offrir les deux. Je doute être à la hauteur. Elever un humain, c’est plus difficile que de seulement le protéger…

Ça représentait tellement. Et s’il s’y prenait mal ? S’il lui donnait le mauvais exemple ? Si elle lui faisait des reproches plus tard ?

- Je sais ce que tu veux dire...Mais on a encore du temps, pas vrai ? Je t'apprendrais à la comprendre....tu n'as pas eu la meme vie que moi, ce n'est pas de ta faute, mais ca ne fait surtout pas de toi un mauvais père.

Ça faisait surtout de lui une personne non apte à élever un humain. Comment prendre soin de quelqu’un qu’on ne pourrait jamais comprendre totalement ? Il était bien sûr reconnaissant des efforts que Ren était prêt à fournir afin qu’il s’en sorte mais il ne fallait pas être dupe : tout ça relevait d’un niveau peut-être beaucoup trop élevé pour lui. C’était affreux de se dire ça alors qu’il se targuait de pouvoir tout faire sans broncher. Une si petite fille…comment ça pouvait poser autant de problèmes dans sa tête ?

- Tu l'aimes ? N'est ce pas ?

Yûto hocha de la tête avec un petit sourire. C’était sa fille, il l’avait mise lui-même au monde, comment pouvait-il ne pas l’aimer ? Même si elle n’avait rien de sanguin ni de descendance avec lui, elle restait le produit de son amour avec le médium. C’est là qu’il comprit ce qu’il n’avait pas encore saisi : ça ne se mesurait pas seulement au sang, mais aussi au comportement qu’on adoptait, à la foi qu’on y mettait.

- Alors ca viendra tout seul. Tu n'es père que depuis un long mois....C'est normal que tu te sentes peu sur de toi. Mais il ne faut pas que cela t'empeche d'etre toi meme avec elle. L'important est que tu l'aimes.
Je ne fais rien de plus que toi, tu sais.
- J’aimerai juste avoir autant de facilité que toi. Pour une fois que tu me bats dans un domaine !

Il rigola un peu avec lui et lui donna Maki alors qu’il allait prendre une douche, puis manger le petit-déjeuner que Ren avait préparé. Ensuite il appela le lycée, sous la surveillance de son fiancé, pour prévenir qu’il prenait quelques jours de repos parce qu’il était malade. Comme il avait toujours été loyal et sans histoire depuis le début, on ne lui opposa pas de résistance. Comme il n’en opposa pas au médium quand celui-ci décida qu’il resterait dans l’appartement pendant qu’il irait faire les courses. Il eut droit à une belle moue angélique mais pas de refus. Yûto le laissa partir mais comme il s’ennuyait au bout de seulement quelques secondes après son départ, seul dans l’appartement, il eut une idée. Après ses déboires dans la cuisine la veille, il se dit que ça ne pouvait plus durer. Il devait apprendre à cuisiner ! Alors il alla toquer chez leur vieille voisine qui l’accueillit à bras ouverts et discuta longuement avec lui de ce qu’il voulait faire.

Elle était selon lui la meilleure personne pour l’aider. Le professeur aurait pu demander au jeune homme de lui venir en aide mais ça aurait fini dans tous les cas en un résultat peu concluant. Là, Madame Kim était très ouverte, attentive et avait une telle façon de le réprimander sans qu’il ne se sente rabaissé qu’il se promit de l’utiliser sur Maki plus tard. Il n’eut le temps que d’apprendre les bases mais c’était déjà pas mal, pour seulement une dizaine de minutes passées avec elle. Elle l’invita à venir plus souvent afin de l’aider à « approfondir son apprentissage » et le jeune homme la remercia d’un baiser sur la joue avant de retourner chez lui, un peu plus en forme.

Il ne pensait pas qu’il serait rentré si rapidement, connaissant Ren il adorait prendre du temps dans les rayons du magasin, surtout là avec le bébé ! Alors il ne comprenait pas qu’il soit déjà là à cette heure-ci, alors que l’ange n’avait pris que 15 minutes pour aller voir la voisine ! A croire qu’il avait sprinté dans le magasin ! Enfin bref, il était heureux de le voir et le rassura d’un baiser en voyant son regard paniqué quand il passa le pas de la porte de l’appartement.

- Hey pas de souci, arrête de t’inquiéter comme ça. Je suis juste allé faire un petit coucou à la voisine. Rien de plus.

Il lui prit les sacs de courses des mains et alla ranger ce qu’il y avait dedans pendant que le plus jeune s’occupait de leur fille qui semblait fatiguée par cette petite balade. Cependant ils l’installèrent seulement dans son cosy près d’eux et elle ne dormit pas tout de suite. Elle les regarda plutôt aller et venir avec les courses, ce qui donnait un spectacle assez attachant à la fin. Quand tout fut rangé, l’ange alla s’assoir sur le canapé, lui aussi épuisé et joua un peu avec le bébé avant d’allumer la télé. Là, le professeur repensa à tout ce que lui avait expliqué Madame Kim sur les règles en cuisine, ce qu’il fallait faire ou ne pas faire justement, les précautions à prendre avec le matériel. Il se repassait tout ça dans sa tête pour bien l’enregistrer et quand Ren vint s’assoir à côté de lui, il lui sourit et le prit dans ses bras en lui baisant la tempe, lui accordant maintenant toute son attention.

- Tu sais en fait j’ai vraiment hâte de retourner là-bas, dans notre « petite maison de vacances ». Tu te rappelles quand on y est allé la première fois ? Et la seule fois. Tu étais muet…

Il avait l’impression que ça remontait à des siècles ! Tant de choses avaient changées depuis….